(appel) sylve, edward

Semaines avaient succédés les jours, les heures, dans l’attente d’une réponse aux derniers sms envoyés. Toujours vu, jamais de petite fenêtre flottante avec les trois points jouant la vague pour marquer l’intention de répondre. Elle y avait veillé, durant de longues minutes, l’Henderson. Elle savait qu’il savait, Edward, qu’il avait au moins deviné. Silence radio pourtant, à n’en mordre les ongles et les abîmer définitivement. Il ne daignait pas même répondre au téléphone. Basse vengeance en réponse au silence qu’elle lui avait elle-même imposé durant cinq ans, peut-être quatre. Elle n’était même pas capable de lui en vouloir, ce n'était rien de moins qu’un juste retour des choses, un bon coup de karma en plus. Elle pouvait respecter cela, accepter la situation qui ne changeait pas grand-chose pour elle finalement. Elle avait su composer pendant cinq ans sans Edward, elle pouvait le faire tout le reste de sa vie au nécessaire. Et si tout devenait trop dur, paraissait insurmontable, si son regard se devait de demeurer sévère et fuyant envers elle ou même Emma… il lui restait toujours la possibilité de vendre le cottage et de déménager, d’ignorer l’appel bourdonnant de Keern. Elles y reviendraient pour les vacances, pour que la gamine voit sa grand-mère, la fille de Rory, et Mairead, si celle-ci décidait de demeurer là. Pensées ruminantes. Pourtant, elle attrape le téléphone une nouvelle fois Sylve, le fixe, pas son portable, pour ne pas être ghostée une nouvelle fois. Il est urgent qu’elle parle à Ed’. Alors elle compose le numéro du Dahlia, sonnerie qui vrille ses tympans, le stylo tapotant sur le calepin posé devant elle. Et quand enfin elle entend le déclic, elle cesse de respirer, un instant, sous le son de sa voix, avant de reprendre contenance au second allô ?

- Bonjour Edward. Ne raccroche pas s’il te plait, c’est un appel strictement professionnel.

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Incrédulité à l’entente des mots qui s’extirpent de l’autre côté du fil, paume qui recule le téléphone un instant, observe ce dernier, totalement déconcertée. Blessée. Elle peut parfaitement entendre, comprendre même, qu’il lui en veuille. Mais jamais il ne lui a parlé ainsi, d’aussi loin qu’elle se souvienne. Et le message est on ne peut plus clair : il ne souhaite pas faire partie de la vie d’Emma. Soit. Cela aussi, elle peut le comprendre : il n’a pas demandé à être père, pas plus qu’elle n’a souhaité être mère avant l’heure. Emma n’a pas besoin de le savoir, elle qui court dans toute la maison, Fluffy sur les talons, jappant tout sa joie à qui veut bien l’entendre.

Elle envisage de raccrocher, de clore définitivement le chapitre qui ne se ponctue que de pages blanches depuis tout ce temps, mais un sms sur son portable l’oblige à prendre sur elle, inspire et repasse le téléphone à son oreille.

- Je t’appelle pour un mariage, celui d’une amie. Son fleuriste lui a posé un lapin. Elle est tombée sur ton Instagram et m’a demandé de prendre en main cette partie. Mais si tu préfères me donner le numéro de quelqu’un d’autre, je composerai avec, je comprendrai que tu ne veuilles plus entendre parler de moi, ou… - un silence, le temps pour elle de regarder que la petite n’est pas dans les parages. - Ou d’Emma.

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Elle se fait du soucis, l’Henderson, craint les répercussions des derniers évènements sur le futur. Malgré elle, l’idée du déménagement prends de l’ampleur, frisson qui parcoure sa peau sous l’inquiétude. Elle n’a pas envie de quitter la vie qu’elle s’est construite à Keern, mais elle ne veut pas non plus vivre un semblant de guerre ici-bas. Bientôt, la nouvelle se répandra comme une trainée de poudre, et les amis en commun sauront. Elle ne souhaite pas que qui ce que soit la juge, ne souhaite pas que des clans se forment pour soutenir l’un ou l’autre. L’imagination se fait tragique, dramatique. Elle voudrait fuir Sylve finalement, recommencer ailleurs. C’était une erreur de revenir à Keern. C’était juste plus simple avec sa mère vivant ici, mais elle peut toujours partir du côté de son père.

Et l’idée prends de plus en plus de place à mesure que les secondes défilent par cet appel. Un soupir de l’autre côté du fil, et déjà elle pressent qu’elle devra expliquer à la future mariée qu’elle n’aura pas la patte d’Edward à son mariage. Et pourtant…

- … Merci Edward. Merci pour elle. qu’elle souffle de soulagement, avant de finalement tourner les pages de son bloc-notes. Les couleurs du mariage sont les suivantes : crème, vert lichen et or. J’ai besoin de 6 chemins de tables, le bouquet de la mariée, et diverses compositions pour décorer la salle, l’église. Tu as totale liberté sur le choix des fleurs, elle n’y connait rien. Une pause, alors qu’elle se pince les lèvres, prends une position plus relaxante. C’est juste arrivé, Ed’, sans avertissement. Je ne savais pas… et je ne savais pas comment te le dire.

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Stylo qui tapote sur le bloc-notes, à mesure de l’échange, ne s’interrompt que pour observer d’un regard en coin sa gamine qui continue de courir dans la maison. Il y a beaucoup de détails à discuter concernant le mariage, mais ce qui l’angoisse le plus serait encore d’être obligée de composer trop longtemps avec Edward. Pas qu’elle ne veuille pas se trouver en sa compagnie… tout au contraire. Mais cela n’arriverait plus.

Elle soupire, sous ses mots, se mord la lèvre avant de se remémorer quelques souvenirs. Les premiers. Elle lève les yeux au ciel, sans doute pour trouver du courage, tique sous la clochette qu’elle entends en fond.

- Sa naissance à brisé ma vie Edward, tu crois que je voulais qu’il en soit de même pour toi ? Un silence, une pause. Il y a trois ans, j’ai voulu te le dire. Et j’ai vu que… Je ne sais pas, tu avais l’air heureux. Je ne voulais pas gâcher ça. Elle soupire l’Henderson. Je sais que c’est inexcusable, mais ma priorité est, et sera toujours Emma. Merci pour ton aide Edward. qu'elle achève, souffle, offre l'opportunité de mettre fin à la conversation.

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